Wednesday, November 5, 2008

Lettre à un militant Américano-Arménien

Par Khatchig Mouradian
Traduction Louise Kiffer

Dans des années à partir d'aujourd'hui, vous vous rappellerez le 4 novembre 2008
comme le jour du point final où la reconnaissance du génocide arménien a commencé dans ce pays.

Ou vous allez vous en souvenir comme encore un autre jour d'élection, où encore un autre président a été élu, mais malgré tous les espoirs, les efforts et les promesses, peu de choses ont changé.

Et ce ne sera pas le Président Barack Obama à lui tout seul qui décidera de la route à suivre.

Ce sera aussi vous.

Ne dites pas: "j'ai soutenu Barack Obama pendant les élections, j'ai fait campagne pour lui, de porte en porte et par téléphone, j'ai voté pour lui, et maintenant, c'est son tour".

"Je vous demande de croire, a dit votre Président, non seulement en ma capacité d'apporter un changement réel à Washington…Je vous demande de croire en la vôtre".

Et aujourd'hui, avant de lui demander d'apporter un changement réel, croyez en votre capacité à le faire.

Et mettez-vous au travail.

Car les ennemis de la vérité, les adversaires de la justice les maîtres du statu quo, et ceux qui sont sur la liste du personnel du déni et de la falsification vont continuer à travailler contre vous de toutes leurs forces.

Mais n'oubliez pas que la question arménienne a commencé en Turquie, et c'est là qu'elle doit être résolue. N'oubliez pas que les cendres des victimes, dispersées à travers l'Anatolie et les déserts de Syrie, ne trouveront pas la paix même dans tous les pays qui auront reconnu leurs souffrances.

Leurs âmes ne trouveront le repos que lorsque la Turquie ornera ses cités de mémoriaux pour les victimes et de statues de Siamanto et de Varoujan.

Et seulement quand les chants de Komitas résonneront de nouveau dans les villes et villages d'Anatolie.

N'oubliez pas que votre militantisme ici aux Etats-Unis n'est qu'un moyen d'exercer une pression sur l'Etat turc et d'aider à éduquer le peuple.

Ce n'est pas une fin en soi.

N'oubliez pas que même si votre Président reconnaît le génocide arménien, vous aurez encore un long chemin à parcourir.

Vous aurez encore à lutter et à éduquer. Vous aurez encore des millions de cœurs et d'esprits à convaincre; les cœurs et les esprits du peuple qui a hérité – de gré ou de force – du patrimoine d'un régime génocidaire.

Et, ce qui est le plus important, ne soyez pas découragés par les déclarations de ceux qui pensent qu'ils peuvent résoudre aujourd'hui ou demain les problèmes entre l'Etat turc et les Arméniens.

La route vers la vérité et de la justice est une longue route.

Elle n'a pas commencé avec vous. Et ne finira pas forcément de votre temps.

Mais elle exige sûrement votre dévouement.

Donc, relevez vos manches et mettez-vous au travail.

Si vous luttez incessamment, vos efforts porteront leurs fruits: votre Président, vos représentants et vos concitoyens et amis joindront leurs mains aux vôtres.

Et quand vous aurez réussi à apporter un changement dans votre pays, rappelez-vous que votre génération n'est pas la seule victorieuse.

Cette victoire appartient à tous les survivants du génocide, autant qu'à leurs descendants, qui ont continué à croire en la vérité et la justice.

Aussi, quand votre militantisme finalement rapportera la reconnaissance, nous aimerions tous voir dans ce pays, avant les feux d'artifice et les célébrations, allumer un cierge à la mémoire de ces victimes et des survivants.

Et n'oubliez jamais que vous n'aurez pas honoré les victimes de Turquie de 1915, si vous n'avez pas lutté pour mettre fin aux génocides partout et en tous les temps.

C'est maintenant – plus que jamais auparavant – qu'il est temps pour vous d'effectuer un changement.

Et, oui, vous le pouvez.

4 novembre 2008
Boston, Mass.

Khatchig Mouradian est écrivain, traducteur et journaliste. Il est rédacteur en chef d'Armenian Weekly. On peut le contacter à: khatchigm@hotmail.com

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