Thursday, August 9, 2007

Les organisations juives d’amérique divisées sur une reconnaissance du génocide arménien

Une controverse a vu le jour la semaine dernière à Watertown dans le Massachusetts où la Ligue Anti-Diffamation et son programme communautaire « Pas de Place pour la Haine » ont soulevé la question du rôle des Juifs et des groupes juifs dans la reconnaissance du génocide arménien.

Le 1 août 2007, le journal « Boston Globe » a annoncé des rapports tendus entre l’ADL et la communauté arménienne de Watertown en raison des propos du directeur national de l’ADL Abraham H. Foxman concernant l’opportunité par le Congrès américain de reconnaître le génocide d’un et demi millions d’Arméniens tués par les Turcs de 1915 à 1923. Un vote n’a pas encore été prévu pour la résolution qui a rencontré l’opposition des membres de lobbys turcs et de quelques organisations juives.

« Je ne vais pas être l’arbitre de l’histoire de quelqu’un d’autre » a déclaré Foxman au Globe dont l’organisation n’a pris aucune position officielle sur le génocide mais qui a ajouté que le Congrès ne devrait pas être impliqué dans l’écriture de l’histoire.

« C’est incompréhensible pour moi » a déclaré Khatchig Mouradian, le rédacteur de l’hebdomadaire arménien « Armenian Weekly » qui est basé à Watertown. « Je crois que le programme « Pas de Place pour la Haine » est un programme important, mais la communauté ici est outragée. »

M.Foxman n’a pas souhaité faire de commentaires.

Quoique reconnu par l’ensemble des historiens comme un fait indéniable, le débat sur la reconnaissance du génocide arménien révèle un fossé parmi les organisations juives. Le schisme souligne une complexe dynamique qui touche sur les relations de la Turquie avec Israël et le bien-être d’environ 25000 Juifs résidant toujours là-bas.

Tandis que beaucoup de groupes juifs invoquent « Jamais Plus » en tant que leg de l’Holocauste et protestent contre le génocide actuel au Darfur, le génocide arménien - que le gouvernement turc ne reconnaît toujours pas - pose le problème de la position morale.

Et quoique l’ADL dise qu’elle n’a aucune position sur la question, les commentaires de Foxman disent le contraire selon James Russell professeur d’Études arméniennes à l’Université de Harvard. Russell, un Juif et un Sioniste américain tel qu’il se décrit lui-même, déclare que les déclarations de Foxman sont inacceptables pour une organisation qui combat l’antisémitisme.
« De mon point de vue cela équivaut à la négation de l’Holocauste » a-t-il ajouté. « C’est une position profondément immorale et ignoble. ». Il y a peu de consensus parmi les organisations juives face à cette résolution du congrès sur la reconnaissance du génocide. Nancy K. Kaufman, directrice du Conseil des Relations Communautaires juif du Grand Boston maintient sa position que les Etats-Unis devraient reconnaître le génocide arménien.

« Nous sommes bien conscients de la question avec la Turquie mais nous sentons que nous ne pouvons pas nous éloigner du fait que c’est arrivé » a-t-elle dit. « Nous estimons très fortement que nous devons nous prononcer contre tout génocide. »

Larry Lowenthal, le directeur du Comité juif américain (AJC) de Boston, a exprimé un point de vue plus conflictuel.

« C’est un sujet très douloureux parce que chacun sait que le massacre d’Arméniens est un des événements les plus terrifiants de l’histoire moderne » a dit Lowenthal. « Mais il y a des questions stratégiques délicates à la communauté juive. Nous à AJC ne faisons pression d’aucune façon. »

Le 5 février, les chefs de l’AJC étaient parmi les représentants d’une poignée d’organisations juives - comprenant l’ADL - qui a rencontré Abdullah Gul, le ministre turc des affaires étrangères lors d’une réunion à Washington.

La réunion s’est focalisée sur une demande écrite des juifs de Turquie demandant aux organisations juives d’Amérique de ne pas faire de lobby en faveur de la résolution.
« C’est une dure situation » a déclaré pour sa part le consul général israélien en Nouvelle Angleterre Nadav Tamir. « Les relations stratégiques d’Israel avec la Turquie peuvent être critiquées mais d’autre part il est important pour nous en tant que survivants de Holocauste d’être absolument en conformité à cette question morale. Nous voulons vraiment maintenir de bonnes relations avec la Turquie et la Diaspora arménienne. »

Pour Jack Nusan Porter, trésorier de l’association internationale des chercheurs sur les Génocides, la question n’est pas de savoir si le génocide devrait être reconnu. « [ Foxman ] a fait une imbécilité intellectuellement,scientifiquement et politiquement. Il doit être remplacé » a déclaré le chercheur. « Il a mis en avant son ignorance aussi bien que la pression turque - qui est toujours très puissante dans la non-reconnaissance israélienne. » Mais selon Russell, le professeur de Harvard, il est injuste de s’attendre à ce qu’Israel prenne la tête de la reconnaissance du génocide arménien en raison de sa position périlleuse dans le Moyen-Orient.
« Si l’Amérique le fait, Israel suivra » a dit Russell. « Je ne dois aucune fidélité à la communauté arménienne, mais c’est également une question morale et je sais que le génocide a eu lieu. »

A Watertown, le futur du programme « Pas de Place pour la Haine » reste en suspens. Andrew H. Tarsy, directeur régional de l’ADL, dit qu’il projette de rencontrer des membres de la communauté arménienne de Watertown dans l’espoir de trouver un terrain commun.
« Nous ne défions pas l’histoire arménienne » a dit M.Tarsy. « Attaquer le programme de l’ADL n’est une solution à ceci. »

Mais pour Larry Lowenthal, cette situation est extrêmement incommode. « Aucune juif vivant ne peut oublié ceci » a-t-il indiqué du génocide arménien. « Je souhaite que nous ayons juste eu une position catégorique et morale sur ceci, mais pour beaucoup de raisons contraignantes nous le l’avons pas . Ce sont des questions sensibles, difficiles, morales et je me sens souffrir le martyre. »

Jusqu’ici les conséquences de cette question d’une reconnaissance étaient limitées à quelques articles critiques, y compris un “Virons Foxman” édité dans le magasin Jewcy.com sur le Web. Mais maintenant, la colère arménienne menace de faire dérailler le programme de l’ADL à Watertown.

La communauté arménienne de Watertown est l’une des plus grande des USA et menace de faire arrêter le programme de l’ADL.

« Ici à Watertown, vous ne pouvez ignorer le génocide arménien » déclare Ruth Thomasian, seule membre arménien du comité de planification du programme « Pas de Place pour la Haine » . « Vous pouvez l’appeler “allégué”’ou “supposé”ou “les chercheurs disent”. Le génocide s’est produit. »

A Watertown, sur une communauté de 32000 habitants près de 20 pour cent sont d’origine arménienne.

« Ce n’est pas un sujet de discussion » a déclaré pour sa part Deborah Lipstadt, spécialiste de l’Holocauste à l’université d’Emory. « Il y a un consensus accablant parmi les historiens qui travaillent dans ce secteur et il n’y a aucune question que c’est un génocide. Vous ne pouvez niez cette histoire. »

Joey Kurtzman, l’auteur de l’article de Jewcy, a déclaré que les organisations juives devraient être « visibles et prendre la parole avec la communauté arménienne. » « Foxman doit publier une rétraction publique et une excuse à la communauté arménienne et aussi à la communauté juive. Après cela, il devrait être renvoyé. »

Dans une tentative apparente de court-circuiter la controverse à Watertown, le bureau de Boston de l’ADL a semblé faire marche arrière face à la ligne de l’organisation.

« L’ADL n’a jamais nié ce qui est arrivé à la fin de la Première guerre mondiale » a affirmé un de ses membres de Boston dans une lettre publiée Boston Globe. « Il y a eu des massacres d’Arméniens et une grande souffrance (...). Nous croyons que le gouvernement turc d’aujourd’hui devrait faire plus que ce qu’il a fait pour s’en prendre au passé et se réconcilier avec les Arméniens. ».

« Nous allons devoir probablement couper nos relations si l’ADL n’entre pas en conversation avec nous et se met au travail sur cette question » a dit Mme Thomasian. « C’est une merveilleuse occasion d’avoir une compréhension du public de 90 ans de négationnisme et pourquoi des gens parfaitement raisonnables tombent dans des pièges comme cela. »

Will Twombly co-président du programme « Pas de Place pour la Haine » à Watertown a pour sa part déclaré le 26 juillet que son groupe est « une entité locale autonome » qui « reconnaît entièrement la tragédie indescriptible de cet événement terrifiant. Nos coeurs vont à chaque membre des familles de victimes du génocide. Nous espérons que tout ceux qui sont inspirés par leur courage travailleront localement pour empêcher la haine et généralement combattre et mettre fin à la dévastation au Darfour et dans les autres partis dévastées du monde ».

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